
L’escalade aux sucettes de Borne, une grimpe typée montagne
Nous avions entendu parler de ces monolithes de calcaire qui se situent non loin du canyon du Rio Sourd, dans le Diois, que nous pratiquons régulièrement durant la saison. Nous profitons de ce jour et demi de repos pour aller s’y balader !
Nous apprenons ainsi, grâce aux panneaux explicatifs, que ces roches verticales se sont formées en trois étapes : sédimentation, soulèvement puis érosion ! D’abord les sédiments s’accumulent pour former des strates plus ou moins dures pendant 135 millions d’années. Puis le soulèvement des alpes depuis 65 millions d’années fracturent et plient ces strates dont certaines finissent par se redresser complètement. Enfin l’érosion n’épargne que les strates de calcaire les plus dures que nous pouvons ainsi grimper !
Voie normale du secteur 1 : Moaï Nord et Est
Etant partis à la fraiche en fin d’après-midi, on se planifie la voie normale pour dérouler et découvrir ce secteur inconnu. Pas de combat en perspective, et c’est tout en détente que nous cherchons le départ. Après un vagabondage dans un superbe pierrier, nous retrouvons finalement la bonne approche en dépassant la sucette puis en suivant une sente cairnée. Les explications de Camp to Camp nous ont été utiles car les approches ne sont pas mentionnées dans le topo de la Drôme.


Les deux trois premières longueurs se font facilement en chaussures et pourraient s’effectuer en corde tendue. Le rocher mérite de l’attention par moments mais c’est très bien équipé. Cela nous rappelle les voies aux trois pucelles comme le joli parcours Honneger. Pas de difficultés particulières, les cotations nous semblent gentilles mais l’ambiance aérienne est bien présente et nous profitons des belles lumières du soir, seuls !


Une petite traversée plein gaz pour rejoindre la dernière et jolie longueur qui mène au sommet de la sucette et nous voila en haut ! La vue est superbe et les relais bétons, nous sommes ravis ! L’apéro étant une chose très importante, voir primordiale dans notre vie, nous nous empressons de redescendre en pensant à ces bonnes Chouffes qui nous attendent dans la glacière !

Les rappels se font bien, mais alors quelle ambiance de folie ! On admire les voies de cette face qui nous donnent bien envie de revenir !

Dire que la nuit fût bonne serait mentir, mais c’était notre première nuit dans le camion, alors malgré la pluie non prévue et les trous dans le toit non bouchés, on peut dire qu’on s’en est plutôt pas mal sortis ! Comme quoi, on devrait toujours avoir un bout de scotch alu au cas où ! De toute façon, le confort c’est surfait !
On prend le temps de laisser le rocher sécher en se faisant un petit déjeuné digne d’un restau étoilé et on fini par jeter notre dévolu sur une petite voie de trois longueurs en 5c max, mes genoux me font à nouveau mal alors après avoir hésité, on va y aller quand même mais tranquille ! Enfin ça, c’est ce qu’on croit encore à ce moment là de la journée…

Le marteau des dieux – sucette de Borne 2
Dès le début, on a beau chercher une sente cairnée, on n’en trouve pas ! Alors on se dit qu’un petit à vue dans une vague sente dans les buis nous mènera bien à bon port !
Adri, en bon sanglier qui se respecte se sent dans son meilleur élément, et batifole joyeusement de branche en racines, tandis que je passe en mode tracteur pour me frayer un chemin dans cette superbe pente de terre sans cohésion à 45 degrés. La grimpe racine, plus qu’une activité, une passion !


Nous ne nous laissons pas impressionner par cette approche bartasse absolument pas prévue au programme et arrivons miraculeusement au pied de la voie ! Celle ci ne doit pas être répétée très souvent car notre accès était visiblement le bon et pas tracé ! En bas de L1, on est pas très confort et je me longe à un buis pour pouvoir assurer Adri ! Je le regarde attentivement évoluer jusqu’au premier point en mode escalade sur tas de Kappla, et ensuite, ouf, le rocher devient meilleur ! C’est un 5c fissure assez malcommode un peu à l’ancienne. Je me réjouie d’avance de ces futures coincements en tout genre et devine que ça va être bijoux pour moi…

Quand j’arrive au premier relai je sus dépitée, je n’ai pas pris de plaisir en grimpant, limitée par la douleur et des mouvements que je ne peux pas faire, j’ai beau savoir que je fais les montagnes russes en rééducation depuis maintenant 2 ans, c’est jamais agréable de se sentir comme un figatelli au bout de sa corde !
Alors petit mélo au relai, séquence émotion, on parle de redescendre pour reposer tout ça… Le ça étant moi. Je lève la tête pour admirer ce qui nous attends. Le problème c’est que ce que je vois me plait… Un joli dévers qui semble bien prisu !! Puis le dévers c’est pas comme la fissure je peu bourriner sur les bras ! Alors quitte à avoir mal, autant finir ce marteau, on en est encore qu’au manche ! Je laisse Adri rester en tête, malgré une hésitation car cette longueur est annoncée en 5b.
Quand Adri peste en disant que si ça c’est du 5, y a un truc qu’il ne comprend pas, je sens que la journée va se dérouler comme elle a commencé ! On rejoins en effet la longueur de la voie sur sa fin, quasiment au relai, situé sur notre gauche. On hésite a redescendre pour prendre la 5b depuis le début mais en voyant les nuages noirs qui avancent, cette météo incertaine (et ce joli dévers je dois bien l’avouer) je décide de tenter quand même l’option tout droit dans l’pentu. C’est là qu’Adri m’annonce un timide, bha c’est noté 7a quand même, avec la traversée et le tirage pour rejoindre la bonne voie, y’aura pas trop d’aide possible… Qu’à cela ne tienne, je suis la reine du tirage au clou et de l’artif en tout genre, mes dégaines ont une sangle épaisse exprès, et je suis la déesse de la pédale ! Ce qui est incroyable c’est que je me fais super plaisir en second et que j’apprécie totalement la grimpe, je me sens super bien même si je termine au relai avec les bouteilles de l’espace ! Même pas eu besoin d’exprimer mes plus grands talents d’artifeuse !

Ca y est, le temps que je rejoigne le relai et les gouttes commencent à tomber ! Coutumière, dans mon passé d’alpiniste, aux orages en montagne, qui m’ont fait dresser la tresse plus d’une fois, je me dis qu’on ne peut pas être mieux placés pour prendre la foudre qu’en haut d’une sucette et n’aimerais pas avoir à nouveau une capillarité électrique ! A ce moment là, le titre de l’article était tout trouvé, ça part en sucettes ! En fait la L3 se résume à une traversée débonnaire de boite aux lettre pour atteindre le sommet en à peine 30 secondes ! ouuf !

Aucun accro dans les rappels, on est une équipe bien rodée ! La pluie a cessée, et nous voila rapidement au karma camion pour un festin bien mérité ! L’orage non prévu n’eut pas lieu, et tant mieux !
Les sucettes de borne regorgent de voies qui nous ont donné envie, notamment dans la face Sud de la première, un niveau 6B/C semble requis. Et aussi dans la face Sud que nous avons redescendue du marteau des dieux, avec de belles envolées sur du magnifique calcaire à gouttes d’eau en 6a+! Nous comptons donc revenir, si tant est que je parvienne à retrouver des jambes fonctionnelles ! A noter que les approches sont parfois bartasse et engagées et que le rocher mérite de l’attention d’autant que les grandes voies ne semblent pas toute très parcourues !
En tout cas le lieu est magnifique et l’escalade très belle, une super découverte à deux pas de la maison ! Nous rentrons sous une pluie battante, heureux de ce premier van trip !